Actualité - 11 janvier 2021
Parole de Directeurs >>> Frédéric Saby
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Parole de Directeurs >>> Frédéric Saby
Vous avez participé à la mise en place du dispositif CollEx-Persée, en tant que membre délégataire du réseau. Comment analysez-vous le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui ?
La mise en place de CollEx-Persée a correspondu pour nous, en termes de chronologie, à la fusion des universités de Grenoble, et donc également, à la fusion des services documentaires. C’est important de le rappeler parce que les deux anciens services documentaires étaient, chacun d’eux, titulaires d’un CADIST : physique pour l’ancien SICD1, littérature italienne pour l’ancien SID2. La fusion de 2016, en créant un seul service documentaire, a permis aussi de proposer une vision convergente pour les deux disciplines pour lesquelles nous étions nouvellement bibliothèque délégataire : physique et astrophysique d’une part, Littérature italienne et humanités numériques d’autre part. Le chemin qui a conduit à ces deux délégations n’est pas du tout le même et parler d’effort de convergence n’est pas un vain mot.
Le dispositif sur lequel nous avions un vrai recul est celui pour l’italien et les humanités numériques, dans la mesure où nous étions engagés depuis 2008, dans un processus de travail en lien avec les équipes de recherche, qui dépassait de très loin le seul développement d’une collection de référence en littérature italienne. Un des intérêts de ce travail a été notamment de dépasser la rigidité du cadre disciplinaire, qui, dans les anciennes conventions des CADIST, rendait difficile le travail interdisciplinaire. À Grenoble, dont la tradition des relations universitaire avec l’Italie remonte au 19e siècle, il était difficile pour les historiens de comprendre pourquoi le CADIST d’italien ne leur était pas destiné… Le projet Fonte Gaia a incarné cette nouvelle orientation, appuyée en 2015 par la création du consortium CoBNIF (Consortium Bibliothèque Numérique Franco-Italienne) entre l’UGA, Paris 3 Sorbonne Nouvelle, l’Università degli Studi di Padova et Roma la Sapienza.
Pour la physique, nous avons essayé de suivre le même chemin. Les premiers succès sont au rendez-vous avec des travaux significatifs, lancés à l’initiative des chercheurs eux-mêmes, autour par exemple des archives de la création de l’École des Houches.
Un autre exemple est notre participation au projet DATTAC’, porté depuis 2019 conjointement par les bibliothèques de Lyon 1 et de l’UGA, et qui présente la particularité essentielle d’ouvrir la voie au travail sur les données. Il faut que les bibliothèques se penchent sur cette question.
Comment l’établissement que vous dirigez a-t-il mis en œuvre le dispositif ?
Le fait de nous être trouvés en même temps dans le processus de fusion et dans l’élaboration du dispositif CollEx-Persée en tant que bibliothèque délégataire a permis incontestablement d’avoir une vision globale de l’adaptation de la structure organisationnelle aux nouvelles conditions des CollEx, tout simplement (si l’on peut dire !) parce que, de toute façon, la fusion imposait une refonte totale des organigrammes. Nous avons donc créé, de toutes pièces, au sein de la nouvelle direction générale déléguée (DGD) aux bibliothèques, une direction des services à la recherche (DSR), devenue par la suite direction de l’appui aux chercheurs et à la science ouverte (DARSO). La mise en place du dispositif des CollEx a facilité, y compris en interne, la création de cette direction, même si probablement nous l’aurions créée de toute façon. Et surtout, nous avons pu, de manière visible, affirmer aux yeux de l’université, notre volonté de nous tourner résolument vers les services aux chercheurs. Le dispositif CollEx-Persée a incontestablement servi de catalyseur.
Quelles seraient vos attentes pour la suite de la durée du GIS ? Et au-delà ?
Les anciens CADIST ont eu leur heure de gloire et avaient pour vertu principale d’avoir permis, sur une durée assez longue pour que leurs effets aient été non seulement visibles mais durables, le développement de collections documentaires de références. Cet objectif a été rempli, ne le nions pas, mais il a été rendu insuffisant par la généralisation rapide de la documentation numérique dont les effets à l’évidence ont porté sur la vanité de la notion de collection de référence, et sur la difficulté à garder à cette collection son caractère national. La différence entre disciplines était assurément à l’œuvre : on a bien constaté à Grenoble que les conséquences pour la physique n’étaient pas les mêmes que pour la littérature italienne…
Le passage aux CollEx a été essentiel, en ce sens qu’il a permis de passer d’une affaire de bibliothécaires à une affaire de chercheurs, dans laquelle les bibliothécaires étaient partie prenante. C’est évidemment très différent. Et c’est dans cette différence que se situe à mon sens le principal apport des CollEx, en permettant une évolution stratégique fondamentale de la place des bibliothèques dans les universités. Nous ne devons certainement pas abandonner notre vocation première à développer des collections, mais cette vocation seule ne suffit pas aujourd’hui à dire notre place dans l’université. Cette place passe aussi par la relation que nous devons avoir avec les équipes de recherche, et bien plus à la place que nous devons avoir dans ces équipes, en tant que bibliothécaires. Le dispositif des CollEx a été dans cette perspective un formidable accélérateur. Il faut incontestablement lui donner les moyens, dans la décennie à venir, de poursuivre ce rôle, afin de permettre aux bibliothèques qui en bénéficient d’asseoir définitivement leur place dans la relation aux chercheurs, et de créer ainsi un modèle d’organisation qui pourra être ensuite étendu à toutes les universités. Construire la stratégie documentaire d’une université doit aujourd’hui prendre en compte cette dimension. Attention : il ne s’agit pas de dire que la relation entre bibliothécaires et chercheurs est une nouveauté (il n’y aurait rien de plus faux : les chercheurs utilisent les bibliothèques depuis toujours). Ce dont il est question ici c’est bien de l’articulation entre bibliothécaires et chercheurs, au sein même des équipes de recherche et dans la production effective de la recherche.
S’il fallait donner une conclusion, elle reviendrait assurément à poser la question de la pérennisation à la fois des expérimentations qui ont été conduites, mais aussi de l’instrument qui les a permises, le GIS.
Frédéric Saby
Directeur général délégué aux bibliothèques et appui à la science ouverte (BAPSO), UGA.
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