Parole de chercheurs >>> Thomas Mohnike

Les bibliothèques comme des laboratoires de l’humanité

Pour beaucoup d’entre nous, chercheurs en sciences humaines et sociales, les bibliothèques sont nos laboratoires. C’est ici que nous sommes à la recherche des structures récurrentes de l’histoire humaine, des caractéristiques des produits culturels, des lois qui les gouvernent, des particularités et anomalies. Sans les bibliothèques, nos recherches sont impossibles.

Ce sont les bibliothèques qui assurent, en grande partie, la qualité de nos recherches. Et ce sont les bibliothécaires qui ont l’expertise des outils de ce « laboratoire ». Ils ont des compétences spécifiques qu’aucun d’entre nous, les chercheurs, n’ont pu développer et acquérir.

Si cela est vrai, le travail des chercheurs avec les bibliothécaires est primordial : comment les bibliothécaires peuvent-ils connaitre les besoins de la recherche sans un dialogue étroit ? Comment  les chercheurs peuvent-ils se fier aux instruments que sont les catalogues et les bases de données sans la compétence et les échanges avec les bibliothécaires ? Et comment la recherche au plus haut niveau serait-elle possible sans une collaboration au développement de ces infrastructures de recherche ? Surtout depuis l’arrivée des méthodes numériques en constante révolution ?

C’est ainsi que j’ai vécu le dispositif CollEx, et notamment son implication pour soutenir les bibliothèques françaises qui s’intéressent aux études nordiques : comme outil permettant à la fois d’adapter les bibliothèques aux besoins et de la recherche et de formation, et d’adapter la recherche et la formation aux nouvelles possibilités qui s’ouvrent, notamment par les méthodes et approches qui sont souvent subsumé sous le chapeau des humanités numériques.

Le programme CollEx a permis de fédérer les bibliothèques françaises dotées de collections nordiques – notamment la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, la Bibliothèque nordique de la BSG et la bibliothèque universitaire de l’Université de Caen – de les mettre en contact, peut-être à terme en réseau avec les bibliothèques du Nord, entre autre, par le biais de la coopération avec Vifanord, le grand méta-catalogue allemand. Cela a permis de lancer une bibliographie des études nordiques sous forme d’une sous-bibliothèque HAL qui permet aux chercheurs en études nordiques, pour la première fois, d’avoir un accès organisé à la recherche française dans la discipline ; une perspective intéressante serait de l’ouvrir à l’international. En même temps, l’archive permet aux chercheurs en dehors de la discipline d’accéder à la recherche disciplinaire.

CollEx a permis de créer un portail d’études nordiques francophones qui pourrait être le point de référence pour les différents projets et collections du Nord et en Europe.

Enfin, le programme CollEx a permis de lancer des projets de numérisation et de collaboration au sein des humanités numériques ; par exemple dans le cadre du projet sur les Mythemes du Nord que je pilote et qui est articulé autour d’une tentative de formuler une grammaire des unités les plus petites de la narration : les mythèmes.

Même si ce dernier projet n’a pas été retenu dans le cadre du dernier appel à projets CollEx, il a pu voir le jour, dans un format réduit, grâce à la bonne collaboration entre bibliothécaires et chercheurs qui fonctionne à merveille selon le principe que j’ai esquissé plus haut, et cela montre aussi que CollEx peut servir d’incubateur pour des projets de transformation et élaboration des structures hors programme. Mais bien entendu, cela met aussi le doigt sur un point sensible. Le financement de projet à durée limitée (un an, deux ans) ne permet souvent que le lancement et les premiers tests des idées. Il ne permet que difficilement les développements de longue haleine. Espérons donc que les dynamiques mises en place par le programme CollEx provoquent l’apparition des nouvelles stratégies de financement pour des infrastructures sécurisées dans la durée qui permettraient de cueillir les fruits des investissements à plus long terme !

Thomas Mohnike

Professeur d’Études scandinaves, Université de Strasbourg

 Bibliographie des études nordiques : https://hal.archives-ouvertes.fr/ETUDES-NORDIQUES/browse/last

Portail des études nordiques : https://nordique.bnu.fr/

Mythèmes du Nord : https://mythemes.u-strasbg.fr/

Association pour les études nordiques : http://www.etudes-nordiques.fr/

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